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Monflanquin
 pendant la guerre de Cent Ans
 (3)
le retour des Capétiens
(1373 - 1453)
Sommaire des 3 parties de l'étude . .
Partie 1 : Capétiens et incursions des Anglo-Saxons.
Partie 2 : Principauté du  Prince Noir
Partie 3 : Retour des Capétiens
Monflanquin sous l'autorité de Charles V : 1372
Une guerre d'avancées prudentes
Guerre et Finances
La lente progression en Agenais : 1373-1374
Misère de l'Agenais
Fausse sortie de crise : 1377.1380
Ni guerre ni paix : fin du XIV° siècle
Septième Génération, début XV° Siècle
Monflanquin sous l'autorité de Charles VII : 1423
Fin de la Guerre de Cent ans : 1432-1453
Craine d'un retour et lassitude
Neuvième Génération : ruines et renouveau
Renouveau démographique
Elevage : contrats de "Gazailh"
Agriculture : "Cazals" et "Tuyes"
Forêts et bois
Exemple d'ascension sociale : les Hébrard
L'autorité royale et Bordeaux 
Annexe : Mémoire locale, Bibliographie et Internet
*     *
*
Monflanquin sous l'autorité de Charles V : 1372
 
 Il n'y a toujours pas de front uniforme et linéaire dans cette guerre, mais bien au contraire une disposition très complexe...  
 
Un compte de la Sénéchaussée de 1372 permet cependant de se faire une idée de la situation en Agenais à cette date (61) :
 
Recettes et dépenses faites par Jean de Léglise, receveur, depuis la fête de la Nativité de St Jean-Baptiste de l'année 1372 jusqu'au pareil jour de l'année 1373, Bernard d'Armagnac étant sénéchal de Gascogne.....
 
·      Ne sont pas affermés : 
                       
Tournon, parce que non remise à l'obéissance du roi de France, Ste Foy, parce que non remise à l'obéissance du roi de France, Penne resté au pouvoir des Anglais jusqu'au I° janvier 1373
  donjon de Gavaudun
 ·      Sont affermés pour toute l'année les baillages de :
 
- Agen, Puymirol, La Sauvetat de Savères, Castelsagrat, Monjoi, Valence, Sauveterre, Villeneuve sur Lot, Castelnaud, St Pastour, Lagruère, Monclar, Hautesvignes, Gontaud, Caumont, Miramont, Marmande, Tonneins, Aiguillon, Port Ste Marie, Ste Livrade, St Sardos,   St Damien, Damazan, Condom....
 
- Baillage de Penne, remis à l'obéissance du roi de  France, le 12 Septembre de la présente année. Le château est resté au pouvoir des Anglais jusqu'au 1° janvier 1373. Néant, parce que ledit lieu est présentement détruit, à cause de la guerre
 
- Baillage de Villeneuve sur Lot, affermé à Pierre Séguin pour 120 l.t. et que perçoit Armand d'Arneu, damoiseau, en vertu de la cession à lui faite par le roi, ainsi qu'il appert de lettres produites pour le compte de l'année 1370.
 
- Baillage de Villeréal, affermé à Pierre de Breil pour le prix de 25 l.t.
 
- Baillage de Castillonnès, repris   (40) sans coup férir le 30 avril 1370 mais remis à l'obéissance du roi au mois de décembre 1372, affermé à Jean d'Armagnac qui l'occupe avec ses gens et perçoit les revenus.
                       
- Baillage de Monflanquin, remis à l'obéissance du roi au mois de Septembre par les soins de Jean de Durfort, qui occupe ledit lieu et perçoit les revenus.
 
Recettes et dépenses faites par Jean de Léglise, receveur, depuis la fête de la Nativité de St Jean-Baptiste de l'année 1373 jusqu'au pareil jour de l'année 1374, Bernard d'Armagnac étant sénéchal de Gascogne..... Baillage de Monflanquin affermé à Pierre Barraut, 72 l. Lors de la soumission dudit baillage, le duc d'Anjou a accordé ces revenus aux consuls dudit Monflanquin pour un terme de dix années....
 
- Baillage de Castillonnès, les mêmes dispositions sont prises.
 
Ce qui laisse supposer que l'état de ces bastides est préoccupant !
 
Une guerre d'avancées prudentes
 
      sceau  de  Naudonnet
Gavaudun,  sans avoir la position stratégique d'un château comme celui de Penne (41), est devenu sur le plan local une pièce maîtresse dans le jeu de la guerre d'usure franco-anglaise.
 
Sa position sur la vallée de la Lède dissuade d'emprunter ce passage entre Lot et Dordogne et encourage à prendre la route qui mène de Villeneuve à Bergerac en passant par Cancon....
 
Ce qui peut expliquer  la trajectoire des chevauchées de Derby en 1345-1346 : il n'est pas interdit, en effet, de penser que Monflanquin est alors épargné parce que le chemin menant de la bastide à la Dordogne passe, plus au Nord, par Gavaudun et que dans ces conditions la route de Castillonnès-Cancon, "moins verrouillée", lui est préférée.
                       
Gavaudun  possède un second intérêt. Ce repaire quasiment imprenable permet des sorties vers la vallée du Lot. Il exerce ainsi une véritable menace sur tout le secteur quand il est en opposition avec les maîtres du terrain, ou au contraire une protection quand il est dans le même camp. L'intervention de Naudonnet de Durfort à Monflanquin en 1372 en est une démonstration exemplaire.
 
Ce château, et ses possibilités d'interventions, s'inscrit dans la stratégie que favorise Charles V. Le roi refuse les batailles rangées mais recommande les coups de mains et les embûches à la façon de  Duguesclin (42).
                      
Le  plat pays  est sacrifié; en revanche les  murailles des villes et des châteaux sont remis en état. Partout on recense et inspecte les ouvrages défensifs. Car pour réussir, l'armée doit pouvoir s'appuyer sur un solide réseau défensif.
  Monflanquin avec remparts
 Pas de grandes chevauchées donc à travers le pays à conquérir, et encore moins de batailles en règle où le sort du pays se joue. La reconquête se fait  par une lente progression d'un véritable front d'occupation des sols. Ce sont des dizaines de places fortes patiemment enlevées et systématiquement occupées. Avance méthodique et obstinée de pions que sont les garnisons, sur un échiquier fait de remparts gardés (20).
 
Il n'est que très logique que Monflanquin soit, dans cette optique, sous la responsabilité de capitaines successifs. Ses remparts en font une place forte à défendre pour quadriller le terrain et compléter le réseau mis en place sur l'Agenais.
 
Cette stratégie explique d'une part la lenteur voulue et organisée de l'avancée des troupes du roi de France en Agenais, comme partout dans le royaume, et d'autre part les besoins financiers du pouvoir.
 
Guerre et Finances
                       
 Si, dans l’ambiguïté du moment, les Monflanquinois ont surtout réagi contre le paiement du fouage au Prince Noir et dans l'espoir d'un moindre impôt à payer au roi de France ils ont dû déchanter..
 
Une forte fiscalité pèse en effet sur ce royaume anémié. Peu nombreuses, les troupes de Charles V coûtent cher : quarante sous pour un chevalier banneret, dix pour un écuyer, trois pour un piéton; il faut y ajouter les indemnités versées aux capitaines "pour soutenir leur état".
 
Comme l'attestent les sommes versées aux capitaines de Monflanquin et des environs, les soldes sont payées régulièrement   à l'issue des "montres" et revues faites une fois par mois.
 
Monflanquin, après son retour sous la coupe de l’administration des Valois, découvre la lourdeur des impôts exigés dans le royaume (42) :
 
Les impôts  indirects : douze deniers par livres, soit  5% sur les transac-tions;  1/13°  sur les vins .....   la gabelle sur le sel.
                       
Les impôts directs : le fouage fixé depuis Décembre 1369 à six francs par   feu en ville et deux francs dans le plat pays. En outre le pouvoir royal peut, sans autre consultation, accroître le fouage et ajouter une surtaxe à la gabelle.
 
Une partie de la recette est reversée aux villes et aux seigneurs pour leur permettre d'entretenir les murailles...
 
Aux villes, le roi abandonne le plus souvent le sixième de l'impôt sur les transactions. Parfois le roi ajoute, à titre exceptionnel, d'autres sommes prises sur les fouages pour accélérer la remise en état d'un pont ou d'une porte de défense...
 
Mais, au total, l'effort de mise en défense repose largement sur les communautés locales qui trouvent bien vite la charge difficile à supporter. D'autant plus que l'administration royale utilise encore, pour répartir l'impôt, la liste de 1328 c'est à dire d'un moment où la population était à son maximum (34). Comme la population a diminué de moitié, il en résulte une fiscalité écrasante pour ceux qui restent.
 
Les tensions sont vives contre la fiscalité royale. Monflanquin découvre que la guerre revient aussi chère sous la bannière des Valois que des Plantagenets !
 
 La lente progression en Agenais : 1373-1374
 
 Monflanquin passé en territoire contrôlé par le roi de France, les opérations militaires se déplacent vers l'Ouest sans pré-cipitation, sous la menace permanente d'une contre attaque adverse.                      .
                       
En  Juin 1373, par exemple, la grande chevauchée anglaise de Jean de Lancastre traverse le royaume de France en venant du Nord. Il ne parvient pas à trouver le contact avec un adversaire qui se dérobe volontairement. La tactique de Charles V se révèle efficace : les troupes de Lancastre atteignent Bordeaux à la fin de l'année, dans un état d'épuisement total (8).
 
En 1374,   un audacieux coup de main, aidé par la trahison, fait retomber Castillonnès au pouvoir de ses adversaires. Etienne de Reilhac, gentilhomme des environs de Monflanquin, au service du roi Edouard, réunit secrètement deux cents hommes dans le château du seigneur de Cahuzac; une nuit de Mars il se glisse dans la ville et s'en rend bientôt maître....L'année suivante les habitants qui s'étaient concertés secrètement avec le seigneur Arnaud de Mons, se mettront en devoir de reprendre leur ville avec l'aide de ce seigneur et ses soldats (40).
 
Mais,   fait majeur de cette année  1374 : le duc d'Anjou venu de Toulouse, avec Du Guesclin à ses côtés, marche sur Agen, à la tête de 2.657 hommes; chiffre connu dans son exactitude grâce au "rôle" de cette armée (5).... Penne en Juillet puis La Réole,    le 21 Août,. se rendent  (29).
 
En la circonstance, divers gentilshommes de l'Agenais et plusieurs communes s'étaient réunis aux troupes françaises : entre autres Jean de Durfort, le sire de Montpezat, Grimond de Birac, les bourgeois de Marmande et ceux de Monflanquin "las gens de Mounflanqui". Cette armée met le siège devant Tonneins qui n'oppose pas de résistance (6).
 
Les armées s'essoufflent et les divers fronts se stabilisent. Sur l'intervention du Pape Grégoire XI, une trêve est conclue à Bruges le I° Juillet 1375. Elle va durer deux ans, jusqu'en Juin 1377, sans déboucher sur la paix car le statut de la Guyenne reste un sujet de discorde. On en revient toujours là ! (8).            
 
Misère de l'Agenais
 
La guerre, le passage des groupes armés qui vivent sur le pays, les récoltes sur pied et les maisons incendiés, les arbres et ceps de vigne arrachés, les églises saccagées tel est le lot des contemporains. Aussi la misère s'installe en maîtresse en Agenais. 
             Médecin      
Tout cela s'ajoute aux catastrophes naturelles et aux famines qui, avec la peste récurrente, provoquent une baisse sensible de la démographie. Au Nord de la Garonne, en Agenais et en Quercy, plusieurs villages sont désertés... C'est l'amorce d'un mouvement qui ira s'amplifiant jusqu'au début du XV° siècle. En fait, l'Agenais subit de plein fouet la phase séculaire de récession que connaît l'Europe.
 
Dans ces circonstances, la  reconnaissance par Édouard III en 1373 de l'extension du privilège de Bor-deaux, interdisant la descente des vins des "pays rebelles" avant la Noël, n'a que des répercussions limitées ( 28).
 
Au mois d'Août 1376, l'évêque d'Agen, s'adressant au Pape Grégoire XI, fait entendre sa plainte : "Des fils d'iniquité dans la cité d'Agen et dans le diocèse, sous le prétexte des guerres qui éprouvent fréquemment le pays, ne craignent pas, par les actes de violence, de prendre, détenir, et jeter en prison, soumettre à la torture, accabler de coups, livrer à la mort et aux cruelles souffrances, pour les forcer à racheter, les clercs et les personnes d'église, séculiers et autres lieux"   (13).
 
Charles V prend acte de la situation et des difficultés que ses sujets ont à payer leurs impôts. Dès 1375 il opère une diminution légère et progressive des prélèvements obligatoires. Le 21 Novembre 1379, dans le droit fil de cette politique, il décide la réduction générale des fouages... Le jour même de sa mort, le 16 Septembre 1380, une ordonnance les abolit puisque la trêve se prolonge, que le trésor est plein et que lui-même, à l'article de la mort, songe à son salut... Mais cette mesure laisse en place les impôts indirects. (42).
 
Il est certain que ces mesures tardives n'ont pas effacé les tensions qui devaient exister à Monflanquin comme dans tout le royaume. Là comme ailleurs , la mort de Charles V a du être accueillie avec soulagement. Un peu partout la suppression des fouages, loin de calmer l'opinion, l'encourage à demander davantage : l'abolition de tous les impôts !
 
Dès 1382 la monarchie rétablira ces impôts sans lesquels elle ne pouvait vivre. Les tensions seront vives !                        
 
Fausse sortie de crise : 1377.1380
 
Au moment où Charles V disparaît, à 42 ans, les conséquences de la paix de Bretigny-Calais sont presque entièrement effacées. 
  sceau de Louis d’ Anjou  

Cependant, les Anglais conservent non seulement Calais, Cherboug, Brest, Bordeaux et Bayonne mais ils contrôlent encore un grand nombre de forteresses dans le Quercy, le Rouergue, le Velay et le Gévaudan. (8).

 De plus, la mort - survenue à trois ans d'intervalle - de Édouard III puis de Charles V, l’avènement de deux jeunes rois Richard II et Charles VI, créent de nouvelles conditions dans le déroulement du conflit.[Charles VI  le Bien Aimé (1380 - 1422) fils de Charles V. Après la régence de ses oncles, il sombre dans la folie. Armagnacs et Bourguignons s'affrontent pour avoir le pouvoir. Le traité de Troyes (1420) livre son royaume aux Anglais.]
 
Charles VI étant âgé de douze ans, Louis d'Anjou est fait régent. Il confie au duc de Berry, son frère, le gouvernement du Languedoc et de la partie de l'Agenais, province dont le 14 Mai 1380 au château de Vincennes le  roi avait confirmé la confiscation. Mais le comte de Foix, qui espérait ce commandement, suscite des troubles dans la province, ce dont profitent les Anglais pour faire des incursions.
 
         Écorcheurs
Le manque de stabilité politique autorise également la réapparition du phénomène des Grandes Compagnies.... En 1382, les Tuchins du Languedoc glissent vers l'Agenais. Ces paysans et artisans sans travail, encadrés par des nobliaux en rupture de ban, pillent puis se retirent sur la "touche", d'où leur nom. Ils se montrent les tristes successeurs des Malandrins, leurs devanciers en 1361. Les populations se retrouvent dans l'obligation de s'armer et de se défendre. "Ces combats sans gloire désolent le pays, ruinent l'Agenais; mais ils n'intéressent pas l'histoire, qui, par suite, n'en a recueilli que peu de documents" (29).
 
Il est normal, dans de telles conditions, que soient maintenus les capitaines. Ainsi, Lazare de Bray, écuyer, capitaine et garde de la ville du 15 Décembre 1379 au I° Juillet 1384, don à lui fait par le duc de Berry....Le mê-me est retenu du  I° Septembre 1385 au 31 Août 1386 avec douze hommes d'armes et douze arbalétriers pour la garde du chastel de Monflanquin (18)
Ni guerre ni paix : fin du XIV° siècle
                       
Richard II [Richard II (1377 - 1399) Petit fils d’Édouard III et fils du Prince Noir. Détrôné par son cousin Henri de Lancastre. Il abdique et meurt en prison] et Charles VI aspirent à la paix, mais ils ne dépassent pas le stade des trêves toujours renouvelées : 1384... 1389....1395....1396; mais les troubles internes ne permettent pas de profiter pleinement de ces trêves qui vont s'étaler sur vingt-huit ans.
 
En 1390, Charles VI vient à Agen. D'Agen il se rend à Penne, réputée "clef de l'Agenais", puis visite Villeneuve avant de reprendre le chemin d'Agen en passant par Ste Livrade et Aiguillon. Informé de l'attitude du duc de Berry, une fois de retour à Paris, il lui ôte le gouvernement de l'Agenais et du Languedoc. Il décide aussi d'envoyer des troupes royales pour débarrasser l'Agenais de "brigands " qui mettent à sac la région. Mais dans les deux ans qui suivent les responsables de la remise en ordre versent eux- mêmes dans les exactions, au point que des villes leur ferment leurs portes. Le désordre est  à son comble (13).
 
L'aliénation mentale de Charles VI en 1396 n'arrange rien; chacun des oncles essayant de s'attribuer le pouvoir : avec le duc d'Orlèans dont les Armagnac prennent le part et le duc de Bourgogne; face à face, deux politiques s'affrontent. La douce illusion en Agenais du voyage du roi se dissipe totalement.
 
Chaque camp gagne des positions en province : Louis d'Orléans installe ses partisans à Agen (42).
 
Pendant ce temps, les Anglais en profitent pour opérer des coups de mains en Agenais.
              sceau
de  Bertrand de Durfort
 Une nouvelle trêve est conclue en 1395 avec les Anglais sans que le résultat soit probant sur le terrain, si l'on en croit un témoignage rédigé le 22 Novembre 1401 :
 
                        A cette date, Amanieu de Montpezat reçoit procuration de Bertrand de Durfort,  seigneur de Gavaudun et de Laroque-Timbaut en Agenais, pour exposer à Jean de France Lieutenant Général pour le roi en Guyenne, que "la guerre, la peste et autres malheurs ont dévasté quarante lieues qui lui appartiennent, lesquelles sont environnées de tous côtés par les Anglais" (43).
 
Le XIV° siècle se termine à Monflanquin, dans une région ruinée et soumise à rude épreuve. A tel point que la bastide "apathise", c'est à dire qu'une espèce de paix ou de trêve s'établit entre voisins afin d'avoir pendant un certain temps la liberté de commercer, de transporter des denrées. Dans le trouble où se trouve le royaume, chacun cherche son salut dans des solutions locales (15).
 
Septième Génération, début XV° Siècle
 
En France, les Armagnacs et les Bouguignons s'affrontent en profitant des "absences" de Charles VI.... en Angleterre Henri de Lancastre fait disparaître son cousin Richard II, en 1399,  pour prendre sa place sous le nom de Henri IV[Henri IV de Lancastre (1399 - 1413)  détrône son cousin Richard II Plantagenet. Il prend le contre-pied de la politique de paix de Richard avec la France, en profitant de l'affrontement des Armagnacs et des Bourguignon]. Ces conflits, à la tête des États, rendent la situation encore plus difficile pour les populations.
 
En Agenais, les faits de guerre sont des plus confus : sièges de châteaux et de petites forteresses, expéditions rapides de bandes qui rançonnent, pillent et s'en vont. Ces méfaits sont attribués aux Anglais, mais ce sont souvent des Gascons favorables aux Anglais qui en sont les auteurs.
 
En 1409, "les princes français ralliés au parti anglais", parmi lesquels le seigneur de Cancon  (17), reconnaissent les droits du roi d'Angleterre sur Port Ste Marie, Ste Foy le Grande, Monclar, St Pastour, Penne, Villeréal (13).. Il est évident que les habitants de Monflanquin n'ont aucune certitude sur leur devenir dans un contexte politique et militaire aussi contrasté et mouvant.
 
La victoire à Azincourt, le 25 Octobre 1415, de Henri V, successeur depuis deux ans de son père Henri IV, ne  peut qu'accroître la perplexité Monflanquinoise. D'autant plus que cette victoire est suivie d'une avancée en Agenais de troupes anglo-gasconnes, en provenance de Bordeaux, qui ne passent pas inaperçues.
Plantagenets 
rois de France
Ne passe pas inaperçu non plus en 1418 Pons de Castillon, combattant pour son compte avec l'aval des Anglais.
 
Battu par le baron de Montpezat, et délogé de Ste Livrade, il s'enfuit vers La Sauvetat-du-Dropt en ravageant tout sur son passage. Traqué vivement, il revient sur  Cancon dont il traverse
le territoire sans être inquiété, en suivant le chemin de Lauzun à Monflanquin.
                         
Il se dirige vers le Lot qu'il traverse prés de Penne, pour se fixer à Frespech..... C'est là un épisode classique propre aux "routiers" qui désolent les campagnes et dont se gardent, autant que faire se peut, les villes derrière leurs remparts (17).
                       
Ces conditions générales ont pour conséquence une grande insécurité peu propice aux travaux des champs et aux échanges commerciaux. Les Monflanquinois de la septième génération s'installent dans la pénurie , comme l'ensemble des sujets du royaume !
 
 Monflanquin sous l'autorité de Charles VII : 1423
 
Le traité de Troyes, du 21 Mai 1420, prévoit que le roi Charles VI reste roi jusqu'à sa mort et qu' il donne en mariage sa fille Catherine à Henri [Henri V de Lancastre (1413 - 1422) vainqueur à Azincourt, il obtient par le traité de Troyes la régence du royaume de France avec promesse du trône pour son fils né de Catherine de France] tandis que le dauphin Charles est destitué. Or Henri V meurt le 31 Août 1422 et Charles VI le 21 Octobre suivant , cette double disparition ouvre les hostilités entre les deux prétendants à la succession : Henri et Charles (8).
 
Face au futur Henri VI [Henri VI de Lancastre (1422 - 1461) héritier par sa mère Catherine du royaume de France, il perd progressivement son territoire, sur le continent. Dés lors il est  contesté en Angleterre, ce qui ouvre "la guerre des Deux Roses"], le dauphin se proclame roi sous le titre de Charles VII et se replie sur Bourges. Un schisme royal commence qui partage le royaume en deux : Monflanquin se retrouve dans le territoire contrôlé par le roi de Bourges.
 
Les capitaines,en fonction à Monflanquin, sont donc du ressort du Trésorier "des guerres en Languedoc et Guyenne" dépendant de Charles  VII .... Pour les années 1427 et 1428, Mingo de Lonne escuyer et capitaine de Monflanquin donne "quittance de 50 l. t. sur ses gages de 300 livres desservis à la garde et défense de ladite place" (18).
          Charles VII           
 Renforcement des défenses qui permet de se prémunir autant des armées régulières adverses que des bandes de "brigands" qui divaguent dans la région à la recherche d'un butin : en 1425 un des capitaines les plus entreprenants parmi les partisans des Anglais, André de Ribes, longeant la vallée du Lot avait occupé Fumel. Les principales villes, dont Monflanquin, s'étaient alors préservées des excès de sa bande (13).
 
Il n'est pas certain qu'en 1429, l'année même où Jeanne d'Arc s'illustre à Orléans, la défense de Monflanquin ait été suffisante pour résister aux assauts des Anglais lorsqu'ils sont remontés jusqu'à Villeneuve (29). Les textes restent muets sur cette éventualité. Mais il est fait état dans certains ouvrages (44) d'une reprise de Monflanquin par Naudonnet de Lustrac en 1432. Or pour être repris, il faut bien que Monflanquin ait été pris auparavant !
                       
Cette hypothèse pourrait s'appuyer sur le fait que Castillonnès passé sous le contrôle de Jean d'Armagnac en 1428 retombe en 1429 aux mains de ses ennemis (40)
 
Ce n'est qu'une hypothèse et la recherche de documents précis reste nécessaire !
 
Fin de la Guerre de Cent ans : 1432-1453
 
La date de 1432, quoiqu'il en soit, pourrait bien marquer pour Monflanquin la fin de son contact direct avec les combats de la guerre de Cent Ans. La bastide passe en effet sous la protection d'un seigneur puissant : Naudonnet de Lustrac (43).
 
En 1432, le seigneur de Gavaudun s'empare des Châteaux de Sauveterre, de Casteculier, de Monségur  prés de  Monflanquin et peut-être de Monflanquin même. Peu après il empêche   Penne  de tomber entre les mains des Anglais; à cette occasion d'ailleurs il  en  est  nommé  capitaine par   le roi de  France.
 
En 1437 et 1438,  il est pris en compte par le trésor royal en tant que capitaine non seulement de Penne mais aussi  de Sauveterre, Lauzerte, Monflanquin (13).
      sceau de Naudonnet
 Naudonnet est, à ce moment, un des plus puissants seigneurs de l'Agenais. Il commande pour le roi de France cinq grandes places fortes : Penne, Lauzerte, Castelculier, Sauveterre et Monflanquin. En outre il possède, en propre, les Seigneuries de Lustrac, Terrasson, Montmarey, Tersol, Pierrelevade... Sans compter Gavaudun, qui semble être une de ses résidences préférées : il y réunit souvent ses hommes d'armes et les y passe en revue.
 
Cette présence protectrice explique certainement qu' en 1438 le passage du redoutable Villandrando dans la région puisse se faire, semble-t-il, sans méfaits pour des villes comme Monflanquin. D'autant plus qu'à cet instant  Villandrando est  au service  de Charles VII.. Après avoir pris d'assaut Fumel il se lance à la conquête de Eymet et Issigeac pour s'ouvrir le Périgord. Sa trajectoire aurait pu concerner Monflanquin.
 
Le voyage, en 1442, de Charles VII [Charles VII (1422 - 1467) Fils de Charles VI. Déshérité par son père "le roi de Bourges" va se reprendre avec l'aide  de Jeanne d'Arc, puis continuer à reconquérir son royaume sans   elle... Jusqu'à la victoire finale de Castillon en 1453.] en Agenais marque les progrès accomplis. A partir de cette date les Anglais auront peine à reprendre pied dans la région. La zone des combats s'éloigne de Monflanquin. Dorénavant  les grandes luttes, qui vont mettre fin à la Guerre de Cent Ans, se passeront dans le Bordelais avec pour point d'orgue la bataille de Castillon et la prise de Bordeaux en 1453.
                      
La guerre de Cent Ans s'achève par la reprise de cette province, la Guyenne, qui en avait été l'origine. Mais aucun traité ne vient sanctionner son terme.
 
                                                           *          *
 
                                                                 *
 
Craine d'un retour et lassitude
 
Longtemps encore après la reprise en main de la Guyenne, les Français craignent un retour offensif de l'adversaire. Aussi des garnisons demeurent en permanence dans le Sud-Ouest (8).
 
A Monflanquin, Jehan de Langlade, chevalier, est nommé capitaine de la place de 1462 à 1476 . La comptabilité royale en garde la trace (18) : 
  Lys des Valois-Capétiens

- Août 1462, don à Jehan Langlade, de la capitainerie de Monflanquin et Villeréal, sénéchaussée d'Agenois, et de la capitainerie et garde de la place de Paracol, sénéchaussée de Xaintonge... "Sans qu'il fût tenu à paier gaiges d'officiers ni autres charges, excepté l'entertènement desdits édifices et des fiefz et aumosnes" assignés sur lesdites places.

- 28 Septembre 1466, mandement de Louis XI à ses trésoriers et gens de ses comptes relatant que, par lettres d'Août 1462, il a donné à Jehan Sgr d'Anglade, chevalier, la capitainerie de Monflanquin et Villeréal en Agenois, sans autres gages que les revenues (sic) desdites places ruinées et à charge de les remettre en bon état...Juillet 1467, consentement des gens des comptes.
 
- 15 Juillet 1475, quittances signées par Jehan d'Anglade, chevalier, capitaine de Monflanquin et Villeréal.
 
- 3 Décembre 1476, quittances signées de Jehan d'Anglade, chevalier, capitaine de Monflanquin et Villeréal.... quittance du même, capitaine de Monflanquin et Villeréal, pour 80 liv. t. "à cause de la revenue, prouffiz et émolumens, desdits lieux de Monflanquin et Montréal, pendant l'année 1474-1475, à lui donnés par le roi".
 
Autre signe que l'effort militaire se maintient : la présence d' arbalétriers  Monflanquinois (45). En effet à partir de l'ordonnance du 28 Avril 1448 les habitants du royaume doivent présenter un archer prêt et équipé pour 80 feux. Il doit s'entraîner une fois par semaine, moyennant quoi il est exempté de taille (42).
 
Avec la crainte, s'est, peut être, insinué progressivement un ressentiment à
l'encontre des Anglais.
 
Les "intellectuels organiques", si l'on peut dire, de la monarchie n'ont pas manqué de faire un distinguo entre "les bons et loyaux Français" et les "faux traîtres", favorisant ainsi l'émergence d'un loyalisme à l'égard des Valois. Pour un temps les Anglais [.] deviennent les "ennemis capitaux".
 
L'un d'entre eux n'hésite pas à écrire : "la guerre qu'ils ont faite et font est fausse, déloyale et damnable, mais ils sont une secte de gens maudite..."(8).
        Lys de Charles VII
Il est fort possible qu'une partie du message soit passé auprès des populations. Mais, malgré un fatalisme certain, la crainte et la lassitude doit tout de même l'emporter. En effet dans l'esprit des gens il n'y a à s'interroger ni sur les motifs, ni sur les buts de la guerre; elle fait partie du domaine réservé aux maîtres, aux chefs. Elle est, selon une expression du XIV° siècle, "la guerre du roi" (8). La seule question, semble-t-il, qui se pose en la circonstance c'est le loyalisme que l'on manifeste ou non à l'égard de ce roi.
 
Par contre, des réserves sont possibles  sur la nature, voire l'existence, d'un  sentiment national pendant et à la fin de cette longue guerre. Surtout dans les campagnes et les petites villes comme Monflanquin, éloignées des centres de production des écrits politiques officiels; et qui ont vu au total plus de Français et de Gascons que d'Anglais saccager les champs....
 
 Neuvième Génération : ruines et renouveau 
 
 Deux siècles se sont écoulés depuis la création de la bastide en 1256 : la victoire de Castillon, qui met fin à la guerre de Cent Ans en 1453, est presque obtenue pour le bicentenaire de Monflanquin. Il appartient à la neuvième génération de la bastide de faire le bilan de la guerre qui se termine et d'entreprendre le renouveau de son environnement.
 
Louis XI résume la situation dans son mandement du 28 Septembre 1466 quand il précise : " sans autres gages que les revenues (sic) desdites places ruinées et à charge de les remettre en bon état..." (18).
 
D'une façon générale, dans la plus grande partie de la France occitane, les pertes  humaines entre  1300,  époque de la  plénitude (2), et 1450 atteignent  ou même
dépassent 50% des effectifs...
 
La France, dans ses limites actuelles,   comptait probablement 35.000 villages vers 1330; à la fin de la guerre  il y a 1.000 à 3.000 villages qui ont été rayés définitivement de la carte.
 
Ce qui se traduit dans le Haut Agenais par l'abandon momentané et parfois définitif de certains hameaux. . ... 
      Église de  Calviac
Les paysans, cloîtrés dans les remparts de la ville ont laissé leurs labours dépérir et retourner en friches (23). Les armées et les bandes de passage ont découragé les plus entreprenants. Sans compter que la peste continue régulièrement à exercer ses ravages : entre 1420 et 1423
elle frappe durement (28).
 
Tout cela induit, pendant  l'intervalle critique que constituent les années 1420-1440, la pénurie des grains et la crise de subsistance gigantesque que vont affronter les Monflanquinois, comme leurs contemporains sur l'ensemble du royaume.
 
Les églises rurales, de l'époque romane, gardent les traces des destructions occasionnées par les armées de passage : il n'est, dans le Monflanquinois que l'église de Laurenque qui soit restée intacte, sûrement grâce à la protection du château de Gavaudun.
 
Le manque de moyens financiers, des "fabriques" qui en avaient la charge, peut expliquer aussi le manque d'entretien. A moins que ce ne soit la désertion de la paroisse qui soit en cause : près de Monflanquin la cure de St Sulpice de Rivalède est restée vacante pendant prés d'un siècle par suite de l'entière dépopulation du pays (26- e).
 
Quoiqu'il en soit ces églises encore aujourd'hui sont les témoins du hiatus que représente  cette sombre période; dont la mémoire orale locale accorde parfois encore la responsabilité aux Anglais...
 
Dans la bastide même, les constructions se sont arrêtées et l'entretien des bâtiments existants n'a pas été assuré. Monflanquin stagne, sinon régresse,  par manque de moyens financiers et aussi en raison de destructions lors des attaques.  La disparition des maisons à colombages du XIII° siècle est certainement liée à ce phénomène.
 
La peur au quotidien réapparaît : peur de la mort et du péché , peur métaphysique dans un monde où le schisme de la Papauté a fait douter des pasteurs en place.
 
La messe  est  alors  considérée comme  une commémoration du Calvaire
davantage que comme un acte d'offrande et d'actions de grâces. Le fidèle suit le spectacle qui reproduit la voie douloureuse, il communie rarement.
 
La piété collective ne se détache pas de l'évocation des souffrances du crucifié et les considère en détail.. La Vierge de "compassion" est co-rédemptrice de l'humanité, associée qu'elle est, intimement, aux souffrances de son fils (47).
 
        Église Laurenque

Accompagnant la mort, la violence et l'insécurité font leur place (62)... Les rémissions de peines sont nombreuses et n'épargnent pas Monflanquin : Le 3 Juin 1463 le Parlement de Toulouse accorde une de ces remises de peine à Pierre Bechet "de l'age de vingt ans a vingt et six ou environ, du lieu de Savinhac..." qui a tué un soupirant de sa maîtresse (45).

Parallèlement, les piliers de l'économie traditionnelle se sont écroulés, ce qui laisse le champ libre à d'importantes mutations qui hâtent la marche vers un type nouveau de société (48).
 
Renouveau démographique
 
L'essor démographique qui s'amorce dans les années 1460-1480 un peu partout dans le royaume est le lot de cette neuvième génération qui vit dans un Monflanquin exsangue.
 
La bastide se repeuple et des maisons sont alors reconstruites dans le style et avec les moyens du moment. Il y a urgence à reloger les gens et le bois a regagné alentour des espaces en friche : Les maisons à colombages fin XV° siècle (49) vont être en partie la solution. Des maisons à colombages de Monflanquin attestent aujourd'hui encore de ce renouveau (63).
 
Dans la baylie, autour de la bastide, les églises rurales sont remises en état, plus ou moins en fonction de leurs besoins. Laurenque épargnée, sûrement grâce à la protection du château de Gavaudun, est simplement augmentée de deux chapelles qui lui offrent un transept ; le gothique tardif est associé au style roman de l'édifice (50)....  Par contre l'église  de Calviac a été sévèrement touchée, au point qu'il ne reste que l'abside romane : le choeur est repris en gothique tardif de même que le portail (51). Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d'autres.
 
La rémission des fléaux porte ses fruits. La guerre vient de se terminer, les bandes de pillards disparaissent. Presque de façon aussi spectaculaire les disettes laissent place à une demande frumentaire satisfaite : l'ère de la surexploitation aux limites des exigences écologiques qu'avait connues le XIII° siècle est terminée. Tout dorénavant est en place pour une productivité plus élevée de l'agriculture.
 
Donc, place est faite à un mieux être de la population et à un nouvel élan démographique. La peste elle-même semble en décrue, même si elle plane toujours semant une inquiétude sournoise prête à se transformer en peur panique.
 
Cet essor repose certes sur une reprise de la démographie locale. Cependant la disparition, dans l'histoire de Monflanquin de nombreux noms enregistrés en 1271 lors du Saisimentum, confirme que des familles ont disparu pendant cette longue guerre de Cent Ans; remplacées par des apports extérieurs.
 
 paysans
Si, au XII° siècle, ce sont des Limousins qui sont venus repeupler par paroisses entières (52), au XV° siècle ce sont plutôt des paysans du Périgord et du Quercy. Transfuges des Ségalas des cultivateurs se sont installés prés de Monflanquin, Savignac... Il est probable d'ailleurs que ces colons quercinois ont cheminé vers leur nouvelle résidence en compagnie de leurs animaux (53). Il n'est pas jusqu'à des Béarnais qui viennent s'installer et que l'on traite " de gavach, par moquerie " (45) du nom donné aux  Saintongeais installés plus à l'Ouest dans l'Agenais.
                       
La noblesse elle-même est touchée par ce mouvement migratoire : les  Lacapelle-Biron sont originaires d'Auvergne, les Gavaudun sont venus de Brie (53)...
                        Cet apport extérieur, qui est une constante de la baylie, se reconnaît de nos jours à  la variété des noms patronymiques (53).
 
Elevage : contrats de "Gazailh"
 
 Ce renouveau démographique accompagne une réoccupation des sols, une sorte de restauration (22). Mais pendant la seconde moitié du XV° siècle l'élevage précède la culture dans l'occupation des sols.
 
Dans la mesure où les terres en friche sont l'objet d'une reconquête, il y a
avantage à s'appuyer en partie sur une activité pastorale dans un premier temps, car l'élevage est mieux adapté aux colonisations instables et sans cesse renaissantes qui succèdent aux désastres répétés (53).
 
Les nombreux  colons  qui  viennent  des  pays  d'alentour, attirés par les
repeuplements  successifs prennent  possession  du sol,  d'abord  au moyen  du  bétail. Les troupeaux leur sont fournis le plus souvent grâce à un contrat qui caractérise cette époque : "le contrat de Gazailh". Le propriétaire donne un certain nombre de têtes de bétail que le "gazailhé" prend en charge et dont il partage les profits. C'est une sorte de métayage appliqué au seul bétail.
 
Les minutes notariales de Monflanquin notifient en 1497 "un pacte à gazailh d'un boeuf, moyennant un cheptel de quatre livres tournois et une rente d'un setier de froment" (26- c). Le bétail qui est mis en gazailh peut se composer en effet soit de bovins, soit de moutons ou de porcs. Mais en tout état de cause le libellé du contrat atteste qu'il y a élevage et culture de froment associés.
            élevage

Cet élevage, associé à une agriculture presque jardinière, nécessite forcement des prairies de fond de "ribières" ouvertes une fois les foins ramassés. Or la présence de moulins sur la Lède et ses affluents occasionne inondations et souvent ensablement de ces prairies avec extension des roseaux. D'autant plus que l'encombrement du lit des cours d'eau concernés par des troncs d'arbres, des vases, des rocailles, amplifie ces inondations. Ce qui provoque une gêne sérieuse pour les éleveurs (54).

Ces pacages de rivière s'avèrent donc parfois insuffisants, au moins lors de ces engorgements d'eau.
 
La forêt trouve alors tout son intérêt. Et s'il n'y a pas assez d'arbres pour instituer un terrain de parcours, le bois fournit au moins un fourrage d'hiver : les feuilles récoltées au printemps sont séchées en été pour être ensuite données au bétail.
 
Agriculture : "Cazals" et "Tuyes"
 
 Intégrant ce type d 'élevage, le régime agricole pratique peu l'assolement (2). Sur le même champ on cultive la même plante jusqu'à épuisement; c'est le régime des "Restoubla" ou Ratouilles, régime qui s'oppose tout à fait au système de l'assolement triennal (52).
                       
Ainsi l'agriculture a un peu la physionomie d'un jardinage conforme à celui des "cazals" autour de la bastide. Le champ n'est pas affecté à une seule plante, mais il comprend plusieurs cultures associés ou intercalées. L'absence d'assolement se rachète ainsi par le mélange des plantes : le seigle et le blé dont on fait "le pain Rousset", le seigle, l'avoine et le froment ou aussi l'orge et le vesce. Le mélange peut associer le blé, les fèves et le seigle.
                       
Il s'avère que les céréales cultivées sont assez variées et que la région est favorable à la production du blé surtout de gros blés appelés "métadiers".
 
La fève est, après le blé, la plante qui contribue le plus à l'alimentation des hommes et des animaux; elle s'accommode bien de l'humide printemps et convient aux terres de défrichement. Comme elle se sème en Novembre et se récolte en Mai, elle forme de Mai à Juillet le fondement de l'alimentation paysanne au moment où la provision de blé se fait rare. La fève facilite donc les périodes de soudures frumentaires.
    Juin :  les foins

Le chanvre est récolté également pour les besoins domestiques (1). Cette plante nécessite un champ spécial "le canabal" placé parfois près de la maison, le plus souvent dans les fonds humides : à Paulhiac presque tous les cannabals sont dans une "ribière" près de Charron (52). La toponymie Monflanquinoise garde trace, près de la Lède et de ses affluents, de certains de ces champs réservés aux chanvres, lesquels réclamaient les engrais les plus riches au point que l'on y parquait les moutons pour les fumer.

Toute cette culture sans assolement - et avec les mêmes plantes récoltées plusieurs années sur la même terre - devient rapidement épuisante. Pour la prolonger il faut porter le plus de fumure possible : on coupe les sous-bois pour les transformer en litière et fumier qu'on répand ensuite sur les champs. Progressivement les forêts sont aménagées pour fournir des sous-bois, de la "Tuye" (52).
 
 Forêts et bois
 
 Le système agricole adopté pour la reconquête des terres émiette la forêt sans la faire disparaître. La forêt revenue en force reste longtemps dans la mémoire collective au travers d'un dicton populaire : "Les bois sont venus en France par les Anglais". Elle passe lentement à une formation diffuse qu'elle a encore de nos jours autour de Monflanquin.
                       
La forêt perd son individualité, parfois même son nom. La baylie de Monflanquin est redevenue progressivement, en raison de la guerre, un pays de bois dans sa plus grande partie. Non plus les bois du XI° et XII° siècles mais des bois-taillis disséminés dans les champs. La composition même du bois change : les anciens massifs comprenaient surtout des hêtres aux sous-bois hostiles et dont les feuilles ne donnaient pas un bon fourrage. Ils sont éliminés au profit des chênes. Ce qui au demeurant va faciliter la construction des maisons à colombage au XV° siècle : le défrichement soutenant ,de la sorte la reconstruction !
                       
L'extrême variété des sols, tantôt sableux et siliceux, tantôt argilo-calcaires, permet en outre la singulière association du châtaignier et du noyer. Leur réussite provient aussi de ce que les brouillards et les pluies rendent les froids plus rares et moins violents, car ces arbres craignent beaucoup les gelées printanières (52).
Novembre :  les glands 
Le châtaignier, dominant vers Gavaudun au Nord de la baylie et vers Corconat au Sud, rend de nombreux service : ses fruits les "balottes" sont consommés par les habitants; leur bois sert à la construction des maisons et des Halles; leurs planches donnent des meubles; les rouleaux à dépiquer le blé sont en bille de châtaignier; enfin leurs feuilles fournissent une litière appréciée....
                       
Le noyer est l'arbre dont l'huile est recherchée : l'éclairage et la cuisine se font à l'huile de noix.... Le travail de la noix est une occupation d'hiver appréciée.
                       
Au total, cette végétation, adaptée à la forte humidité printanière et à la diversité des sols mais aussi aux besoins humains, a imprimé aux paysages vallonnés autour de Monflanquin une allure particulière où les champs ressemblent à de larges clairières entre lesquelles subsistent des bois, vestiges de la forêt d'antan, avec parfois même une tendance aux haies de bocage. Les tuyes ou sous-bois ont d'ailleurs des allures de végétation atlantique avec leurs bruyères, leurs ajoncs et leurs fougères.
                       
Ainsi l'agro-système, amorcé au XIII° siècle lors de la naissance de la bastide (1), précise au XV° siècle les grandes lignes du paysage de la baylie. 
 
Exemple d'ascension sociale : les Hébrard
 
Ces transformations du paysage environnant et de la bastide accompagnent non seulement la relance démographique mais aussi une montée sociale de bourgeois qui s'enrichissent. La famille Hébrard est exemplaire à cet égard :
 
En 1434 - 1435, des reconnaissances sont établies en faveur de Jean et autre Jean d'Hébrard, bourgeois de Monflanquin, et de leur neveu Arnaud d'Hébrard. Ces actes sont précédés d'une ordonnance d'Amanieu de Montpezat, Chambellean du roi et Sénéchal d'Agenais, autorisant lesdits d'Hébrard à faire un livre de reconnaissances faisant foi en justice pour les biens qu'ils possèdent dans les juridictions de Villeneuve et de Monflanquin...
 
Soixante dix neuf actes se rapportent à des terres sises dans la juridiction de Monflanquin. [Une lettre du roi d'Angleterre, datée du 19 Août 1413, ratifie l'achat du château de "Rochefer" fait par Jean de Grailly, Sénéchal de Gascogne et d'Agenais, à Hugues de Castelmoron (39).] Pour chacune d'elles les redevances varient de deux deniers une maille, minimum, à   douze sous  six deniers, maximum;  les redevances en nature sont rares : elles varient d'une «émine» à une «cartière» de froment. Le total des redevances sur les soixante dix neuf propriétés est de sept livres sept sous sept deniers (26-d)....
 
Le 17 Mai 1470, lettres de Charles, duc de Guyenne, réintégrant post -mortem Jean de Foix, comte de Candale et captal de Buch, en la possession et la châtellenie de Roquefère que son père *Jean de Grailly avait cédé en usufruit à son compagnon de combat Jean de Chandos.
         Roquefère

Or, à la mort de Jean de Chandos, Jean et Jacmet d'Hébrard et Guillon de la Martinie, avaient pris possession sans droit de ce domaine... Les lettres précisent que si la restitution cause des difficultés, la cause sera déférée à la Cour des Grands jours (26- b).

En 1495 arrêt du Parlement de Bordeaux rendu en faveur de Jacques de la Chaussade, pour la seigneurie de Roquefère, à la suite du désistement du captal de Buch et d'un accord passé avec les Hébrard (26- b). Accord qui aura demandé du temps, mais surtout manifestation d'une montée familiale : les bourgeois du début XV° siècle sont devenus propriétaires d'une châtellenie qui leur ouvre les portes de la Noblesse.
                       
En 1496, d'ailleurs, des reconnaissances sont signées devant notaire à Monflanquin en faveur de nobles Arnaud, Avit et Pierre d'Hébrard ... il y a égale-ment la ferme du péage de la ville et juridiction de Monflanquin, concédée par nobles Pierre et Avit d'Hébrard, pour trois ans au prix de douze livres tournois par an  (26- b).
 
Dans Monflanquin,  rue St Nicolas la "maison de l'escalier à vis", dotée d' une belle porte avec blason, pourrait illustrer ce renouveau de l'économie porteur de l'ascension d'une classe sociale (55).
 
L'autorité royale et Bordeaux 
 
 La fin de la guerre de Cent Ans c'est aussi pour les habitants de Monflanquin le retour dans l'orbite de Bordeaux, de même qu'un glissement sous l'autorité du roi de France sans ne plus pouvoir jouer des oppositions entre le souverain et le suzerain.
                       
En 1443, Charles VII créé le Parlement de Toulouse auquel il attribue autorité sur la Guyenne jusqu'à la Dordogne... Monflanquin peut croire que la monarchie confirme le rattachement de la bastide à Toulouse sa ville / capitale des origines en 1256.
 
Mais finalement, le  10 Juin  1462,   Louis XI [Louis XI (1461 -1483) fils de Charles VII. Agrandit son royaume, affermit le pouvoir royal, continue la réorganisation de l'armée et favorise le renouveau économique] institue un nouveau Parlement à Bordeaux dont va dépendre l'Agenais, définitivement (28).
                       
Cette institution va être un merveilleux instrument de consolidation du pouvoir monarchique, mais elle va consacrer le partage du Bassin Aquitain entre les zones d'influence de Bordeaux et de Toulouse.
                       
En 1469, Louis XI créé, en faveur de son frère Charles, comme apanage un nouveau duché de Guyenne. Mais le gouvernement à Bordeaux de Charles duc de Guyenne sera éphémère car le duc meurt le 24 Mai 1472.
            Louis XI
Il a cependant le temps de lancer une commission officielle chargée de faire rentrer dans le domaine ducal ce qui en avait été aliéné pendant le guerre, en grave préjudice du duc et de ses finances.
                       
Les commissaires se rendent à Lectoure où ils s'informent du nombre de cas qu'ils ont à examiner. La liste qu'ils parviennent à dresser fait espérer des réintégrations dans un certain nombre de paroisses notamment à Agen.... Villeréal, Castillonnès, Monflanquin (56).
                       
Les seigneurs visés sont : Montpezat, Timbrune, Lustrac, Biron, Théobon. Autant de noms faisant référence de puissance pour les habitants de Monflanquin. Population qui n'est pas laissée dans l'ignorance puisque les délégués de la commission ont pour pratique de donner lecture, le dimanche à l'heure où la dite population se rend à l'église, des lettres qui les accréditent, "traduites en langue du pays".
 
A la mort de son frère, Louis XI fait rentrer le duché dans le domaine royal et remet le gouvernement de l'Aquitaine à Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu. Quelques années plus tard, en Mars 1483, le roi donne "la terre et la seigneurie de Monflanquin d'Agenais" à l'église St Jean de Latran à Rome (57).
 
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La guerre de Cent Ans a bouleversé la vie de cinq générations de Monflanquinois de 1337 à 1453. Les "Trois cavaliers de l'Apocalypse" ont été au rendez vous : la guerre, la famine, les épidémies. ...entraînant une véritable dégringrolade démographique, un abandon généralisé des champs, une profonde crise économique, la ruine des maisons, la «désolation" des églises.
 
L'héritage immédiat est lourd pour la neuvième génération de Monflanquinois. Elle est loin des conditions de vie des "pères fondateurs de la bastide" au milieu du XIII° siècle, qui eux ont bénéficié des retombées d'un monde plein.
 
Il va appartenir à cette neuvième génération ,  dès le milieu du XV° siècle, de reconstituer l'environnement, remodeler l'agro-système de la baylie, rebâtir maisons et églises, relancer l'essor démographique et économique.
 
Autre héritage sensible : la modification de l'horizon administratif et judiciaire de la bastide.
 
Monflanquin, avec l'Agenais, est passé définitivement sous la coupe d'un des royaumes du Nord, problème posé dès le début de la guerre (37) : la monarchie anglaise écartée, reste la monarchie française ! De toute façon l'occitanie en la circonstance s'efface....
 
De plus, après avoir été "ballotté" entre Toulouse et Bordeaux selon son appartenance aux Capétiens ou aux Plantagenets, Monflanquin dépendra dorénavant de Bordeaux.
                                                                         Odo Georges
                                                                  Sous Les Arcades  1996
                                                                                               
 
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Annexe : Mémoire orale et Bilbliographie