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Monflanquin de 1279 à 1328

"au temps   des   Plantagenets"

(1)

Edouard I° s'installe

(1279.1294)

Sommaire des  parties de l'étude . .
Partie 1 : 1279.1294, les Plantagenets : Edouard I°
Conflit Plantagenets / Capétiens
Edouard I°, Duc et Roi
Traité d'Amiens : 23 mai 1279
1280 : Administration de Edouard I°
Continuité de la Baylie
Monnaie arnaudine et bordelaise
Les chateaux edouardiens
1282 : Remparts de Monflanquin
Le Chateau de Monflanquin
Jean de Grailly le Sénéchal
1284 : Charte confirmée
1286 : Edouard I° à Monflanquin
La bastide à cette époque 
La Première génération : les fondateurs
1289.1291 : les réformes
Le temps de la plénitude
Partie 2 : 1294-1303, les Capétiens : Philippe le bel
Partie 3 : 1303.1324, les Plantagenets : Edouard 2 et Edouard 3
Partie 4 : 1324.1328, les Capétiens : CharlesIV et Philippe VI
1279.1328 : Bibliographie
 
Dans l'histoire de la * bastide [Bastide : Sujet traité dans  "La bastide de Monflanquin au XIII° siècle" - (1)] et de la * baylie [ Baylie : Sujet traité dans  "Monflanquin, baylie Alphonsine" - (2)] de Monflanquin, la période Alphonsine (1252-1279) est suivie par l'épisode où les Plantagenets ont droit de cité. En effet en 1279 l'Agenais, et par voie de conséquence Monflanquin, échoit au Roi-Duc Édouard I°.
 
A cette occasion s'ouvre une série de fluctuations du pouvoir entre Plantagenets et Capétiens. De 1279 à 1324 les Monflanquinois vont être alternativement soumis à l'autorité des uns puis des autres :
 
                                   1279 - 1294     Plantagenets
                                   1294 - 1303     Capétiens
                                   1303 - 1324     Plantagenets
                                   1324 - .....       Capétiens
 
La présente étude aurait pu s'arrêter en 1324. Mais dans la mesure où 1328 est la date communément retenue pour indiquer les prémices de la guerre de Cent Ans et, de façon très symbolique, le passage du XIII° siècle au XIV° siècle il est intéressant d'étudier ce qui se passe à Monflanquin jusqu'à cette date... et rester ainsi dans un cadre général historique.
 
Durant cette période, de 1279 à 1328, comment se sont opérés les changements politiques, que sont devenues l'administration et la justice, y a-t-il des changements en profondeur sur le plan économique et social, comment réagissent les Monflanquinois ?
                                                           *          *                                                                
                                                                 *
 
 Conflit Plantagenets / Capétiens 
 
Il n'est pas inutile de rappeler pourquoi et comment Monflanquin, bastide Alphonsine du Haut Agenais, peut passer de la bannière des Capétiens à celle des Plantagenets(2)
 
Depuis 1152, année où Alienor d'Aquitaine séparée de Louis VII Roi de France, épouse Henri Plantagenet Comte d'Anjou et Duc de Normandie, une vive rivalité existe entre les deux familles; exacerbée par le couronnement d'Henri devenu Roi d'Angleterre en 1154.       
 
Au début du XIII° siècle, dans le cadre de cette rivalité qui perdure d'année en année, les Capétiens profitent de la croisade contre les Albigeois, voulue  par le Pape Innocent III, pour imposer finalement le traité de Paris en 1229. Louis IX dégage dans ce traité une solution à l'entier avantage des Capétiens qui s'octroient la suzeraineté sur le Comté de Toulouse sans tenir compte des droits à l'héritage d'Aliénor. Droits que font valoir sans discontinuité les Plantagenets, dans l'espoir d'obtenir réparation.
 
En 1259, un second traité de Paris, encore une fois dû à Louis IX, légalise pour l'essentiel la situation existante, c'est à dire qu'il reconnaît au Roi d'Angleterre la possession incontestée de la Gascogne telle qu'elle est constituée en cet instant. Mais il prévoit en outre que l'Agenais ferait retour au Roi d'Angleterre si la Comtesse Jeanne de Toulouse, épouse d'Alphonse de Poitiers, venait à mourir sans enfant. Dans les limites de cet accord Monflanquin dépend donc des Capétiens
wpeD0.jpg (5182 octets)     En Août 1271, Alphonse de Poitiers et sa femme Jeanne de Toulouse meurent presque en même temps, au retour de croisade. Les Plantagenets peuvent espérer que l'affaire se règle selon les dispositions prévues par le traité de Paris. Or Philippe III, héritier du Roi Louis IX mort lui-même en 1270 à Tunis, s'empresse de recueillir l'héritage d'Alphonse de Poitiers au mépris de l'accord passé antérieurement. Ainsi Monflanquin reste sous l'autorité des Capétiens.
 Philippe III : gisant Philippe III : gisant
 
En Juillet 1273, Édouard lui aussi de retour de croisade, s'arrête à la cour de France pour prêter à * Philippe III  le Hardi [Philippe III le Hardi (1245-1285) fils de Louis IX . Se lance dans la "croisade d'Aragon" qui se solde par un échec en 1285.] l'hommage qu'il lui doit pour ses possessions continentales héritées d'Henri III récemment décédé. Cet hommage est fait en termes assez ambigus pour rappeler au Roi de France que le traité de Paris n'avait pas encore reçu sa pleine exécution et qu'il faudrait compter avec ses exigences prochaines. (3)
 
Édouard I°, Duc et Roi
 
 Ce n'est que plusieurs années après, lors de l'entrevue d'Amiens le 23 Mai 1279, qu' Édouard I° obtient   enfin de Philippe III la restitution tant attendue de l'Agenais.
 
Il appartient donc à * Édouard I° [Édouard I° Roi d'Angleterre de 1272 à 1307. Fils et successeur de Henri III, il rétablit l'autorité monarchique sur les barons et développe une importante législation . Par ailleurs il reconquiert le Pays de Galles en 1282-1283 et fait reconnaître sa souveraineté sur l'Écosse en 1292.] de régler ce problème avec la cour de France, lui qui est tant attaché à l'Aquitaine.
 
En effet, dès 1249, Henri III confère la Gascogne avec l'Agenais à son fils Édouard dans un geste d'anticipation. Puis le 27 Avril 1252, l'année même où Alphonse de Poitiers acquiert "Mons Flanquinus", le Roi d'Angleterre renouvelle cette donation qui, dictée par l'opportunité, reste encore toute symbolique. Mais dès cet instant le jeune prince Édouard est sensibilisé à l'existence de cette région continentale.
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         Édouard I° à cheval
 En 1254 - 1255, alors que sous l'impulsion d'Alphonse de Poitiers Monflanquin est en gestation, le prince Édouard accompagné de sa mère, de son frère et de l'archevêque de Canterbury, parvient au terme de son voyage en Gascogne vers le 10 Juin, quelques jours avant son quinzième anniversaire. Il ne peut être question de donner la moindre indépendance ni le moindre pouvoir personnel à ce jeune prince inexpérimenté. Cependant mis en possession d'une fraction d'autorité et étroitement associé à son père dans tous ses actes, le prince va participer de très près à l'organisation de l'avenir Aquitain, pendant que son père s'efforce de liquider le passé. (3)
 
Peut-être faut il voir dans cette expérience sévère le secret de l'attachement et de la sollicitude particulière qu'il montre pour ce pays tout au long de sa vie. Il le visite quatre fois encore avant sa mort, y séjournant pour la dernière fois plus de  trois années consécutives de 1286 à 1289, mais l'administrant en tous temps avec cette sorte d'attention inquiète que porte un père au gouvernement d'un enfant difficile.
 
La politique d'Édouard I°, tendue vers l'accroissement, s'ajoutant au développement et à l'enrichissement du patrimoine ducal aurait probablement entraîné une amélioration sensible des finances gasconnes si la guerre de 1294 n'en avait annihilé les avantages.
 
C'est sous l'égide d'un tel prince que les Monflanquinois vont vivre leur rattachement à la monarchie des Plantagenets en 1279.
 
Traité d'Amiens : 23 mai 1279
 
Lors de l'entrevue d'Amiens, le 23 Mai 1279, Édouard I° obtient enfin de Philippe III la restitution de l'Agenais, dans le respect du traité   de Paris de 1229.
 
Ce résultat acquis, Édouard I° s'inquiète immédiatement d'en obtenir la réalisation. Aussi dès le début du  mois de Juin il charge son oncle Guillaume de Valence de présider du côté anglais aux opérations de restitution, de prêter à l'Évêque d'Agent et aux populations les serments qu'ils avaient coutume de recevoir de leurs nouveaux seigneurs.... de requérir d'eux, en échange, les reconnaissances féodales et les hommages dus maintenant au Roi d'Angleterre-Duc d'Aquitaine.(3)
             
wpeCE.jpg (6985 octets)
 sceau    Édouard I°
 
Moins pressé, Philippe III prend seulement le 26 Juin les dispositions attendues de lui en priant les habitants de l'Agenais d'obéir fidèlement à leur nouveau seigneur Édouard I°.. Ses représentants, Raoul d'Estrée et Guillaume de Neuville, n'arrivent à Agen que le 8 août; le lendemain ils participent à l'Assemblée des trois Ordres, convoquée par leurs soins, pour procéder à la remise solennelle de l'Agenais aux Plantagenets. Ne sont pas représentées les deux bastides de Castillonnès et Eymet, parce que relevant du diocèse de Périgueux.
 
Ce même jour, 9 août 1279, Jean de Valette, sénéchal d'Agenais pour le Roi de France, se défait de ses fonctions et remet aux Anglais les revenus du pays depuis le 23 Mai.
 
Le 10 août, marque le début réel de l'administration anglaise en Agenais: Guillaume de Valence se rend à la maison commune d'Agen, accompagné de Jean de Grailly pour y recevoir les serments de fidélité des nouveaux sujets du Roi-Duc Édouard.
 
En même temps, Guillaume de Valence pourvoit le pays de juges et de bayles sans rien changer au système adopté par le Roi de France qui l'avait lui-même hérité d'Alphonse de Poitiers quelques années plus tôt. Guillaume de Valence informe par la même occasion l'Assemblée réunie qu'il établit à titre provisoire le Sénéchal de Gascogne en tant que Sénéchal d'Agenais.
 
Selon la coutume, le nouveau Sénéchal prête immédiatement deux serments aux habitants de l'Agenais : une première fois au nom du Roi et une seconde fois en son nom personnel (4). C'est ensuite le tour de la Noblesse, du Clergé et des Bourgeois auxquels se sont joints les Consuls de plusieurs villes dont Monflanquin, de prêter serment de fidélité au nouveau Souverain.
 
1280 : Administration de Edouard I°

 

 Le pays est à ce moment divisé en trois régions, limitées par les principales rivières. C'est là une décision d'origine judiciaire et féodale plutôt qu'administrative. Mais ce cadre commode a fini par s'imposer à tous (3).
 
Au Sud, le pays d'Outre-mer avec Condom; au Centre, le pays d'entre Lot et Garonne avec Agen, Penne, Tournon...; au Nord le pays d'Outre-Lot avec Marmande, Monclar, Villeneuve, Fumel, Castillonnès, Monflanquin.
 wpeD2.jpg (5051 octets) Edouard I° : blason
 
            C'est seulement à la fin de 1280 que la situation administrative de l'Agenais tend à se stabiliser. Après que Jean de Grailly ait été officiellement nommé, par Édouard I°, Sénéchal de Gascogne, Limousin, Périgord, Quercy, Saintonge, Agenais et qu'il ait reçu en cette occasion des pouvoirs si étendus qu'ils font de lui, après le Roi, le maître absolu du Duché.
 
En fait, la multiplication des Sénéchaux, sous-Sénéchaux et Lieutenants engendre une situation fort complexe. Théoriquement groupés en la main d'une personne, les pouvoirs du Sénéchal subissent de la sorte une large fragmentation territoriale. La subordination des Sénéchaussées périphériques, dont celle de l'Agenais, demeure théorique; aucun texte ne la définit.
 
C'est dans ce contexte que Jean de Grailly se fait représenter dès Janvier 1280, à titre de Lieutenant du Sénéchal en Agenais, par Auger Mote. Personnage que l'évêque d'Agen, Arnaud de Got, tenait pour un brave homme mais de peu d'envergure. Ce qui explique peut être que l'on n'en ait pas fait un Sénéchal d'Agenais sous l'autorité du Sénéchal de Gascogne. Auger Mote restera en fonction jusqu'en Novembre 1284.
 
Cette organisation, avec l'autorité spécifique d'un Lieutenant du Sénéchal, prend en compte dès l'origine le particularisme de l'Agenais. En fait Auger Mote ouvre la voie des sous-Sénéchaux d'Agenais recrutés le plus souvent sur le plan local parmi les Nobles du cru. Il faut signaler cependant que, sans être une règle, le déplacement de ces Nobles gascons par rapport à leur lieu d'origine est fréquent.
 
Puis,  quand les  Ordonnances de  1289 apportent quelques précisions sur la suprématie du Sénéchal de Gascogne, l'Agenais confortera son originalité. En effet le Roi et ses conseillers admettent  la spécificité  de ce  "pays"  en lui donnant un régime qui équivaut à une reconnaissance officielle de son particularisme administratif et coutumier: un Sénéchal en titre, nommé directement par le Roi, gouvernera l'Agenais.            
Ainsi la baylie de  Monflanquin sous contrôle Plantagenet se glisse dans une  structure administrative dont la tonalité gasconne est pratiquement identique à celle de la période capétienne précédente et dont les règles de fonctionnement ne changent  pas fondamentalement.     
 
Continuité de la Baylie
 
Or Édouard I° ne modifie en rien la baylie délimitée en 1256 et légèrement modifiée en 1269 au profit de Villeréal (2). Les choix initiaux d'Alphonse de Poitiers sont maintenus, l'héritage des Capétiens est respecté par les Plantagenets.
 
Cette entité géographique va, en fait, traverser toutes les époques jusqu'à nos jours en restant pour l'essentiel ce qu'elle était au départ. Au-delà de l'histoire événementielle, la * permanence de cet espace administratif [Le passage du statut de "baylie" à celui de "canton" au moment de la Révolution n'a en rien perturbé cette permanence (5)]  n'est pas sans effet pour les habitants : la notion de "pays" devient une réalité transmise de génération en génération.
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            Baylie de Monflanquin

Le Roi-Duc maintient également le même mode de nomination à la charge de bayle que celui utilisé au temps des Capétiens : le même souci financier explique la continuité de "l'accensement" ou cession à ferme. Une fois par an, le trésorier d'Agenais procède à cette vente et la ferme revient au dernier et plus fort enchérisseur ; celui-ci obtient le titre de bayle pour la durée de l'année financière c'est à dire du 23 Juin de l'année en cours au 22 Juin de l'année suivante. Le versement de la redevance se fait normalement dans le courant de l'année en deux termes. Le système n'exclue ni le cumul, qui semble avoir été largement pratiqué surtout s'agissant de baylies voisines, ni le renouvellement du bail si l'on avait été satisfait du bayle ou du prix mis par lui (3).

Le personnel ainsi recruté de la même façon que dans le passé présente par voie de conséquence les mêmes défauts qu'au temps des Capétiens. Le souci majeur du bayle est en effet de tirer de sa baylie le maximum d'argent possible dans le minimum de temps. De là des exactions innombrables ; de là un concert incessant de plaintes et de récriminations, de pétitions et d'enquêtes. Aux yeux de l'administré Monflanquinois aucun changement n'est perceptible de ce point de vue.
 
Autre source de continuité enfin : le gros des effectifs est gascon. Cette présence de bourgeois gascons dans l'administration de l'Agenais, déjà importante sous les Capétiens, se perpétue. C'est un des signes de la montée d'une classe qui n'a cessé de s'enrichir et de s'élever, quelle que soit l'autorité en place. Il n'y a pas de nouveauté ni de rupture : les habitants de la baylie ont le même intermédiaire bourgeois gascon  entre eux et le pouvoir central, qu'il soit à Londres ou Paris.
 
Au total, l'habitant de Monflanquin n'a pas le sentiment que le changement de Seigneur ait apporté sur ce plan de grandes modifications dans sa vie quotidienne.
 
Monnaie arnaudine et bordelaise
 
Édouard I°, pour recentrer davantage son domaine continental sur Bordeaux et marquer sa souveraineté, tente d'imposer une monnaie Bordelaise. Pour les années 1282-1284 quelques parités sont connues :
 
                                                  Bordelais            Tournois           Sterling
                                   1282             5                             4                 1
                                   1283             6                             5                    
                                   1284             6 + 1 obole              5
 
En 1289, avant de quitter la Gascogne, Édouard I° arrête différentes mesures destinées à assurer la diffusion de sa monnaie : les monnaies locales n'auront plus cours et les prix des marchandises ne seront plus fournis qu'en monnaie bordelaise nouvelle. Mais le nouveau cours ne s'impose pas et  dés  1290  l'ancien cours  lui-même  n'arrive  plus à se maintenir.
 
En fait, la production de cette monnaie est demeurée médiocre de bout en bout.   Aussi, bien que répandue dans la majeure partie du Duché, la monnaie bordelaise n'est pas parvenue à supplanter les autres monnaies courantes (3).

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A Monflanquin, comme dans le reste de l'Agenais, la monnaie Arnaudine et la Livre Tournoi ont continué à être la référence.

monnaie Arnaudine

On suppose que les évêques d'Agen avaient acquis le droit de battre monnaie sous l'épiscopat d'Arnauld de Beauville entre 1020 et 1049. Cette monnaie Arnaudine, ou Arnaldèse, ne consiste qu'en deniers et en oboles. Sa valeur est inférieure de 1/5 à la monnaie *Tournois [Monnaie Tournois: L'unité fondamentale est la livre d'argent valant 20 sous (1 sou = 20 deniers). Le denier aura une division locale : la Maille ou Obole égale à ½ denier..... Livre et sous sont des monnaies de compte] : douze deniers Arnaudins ne valent que dix deniers Tournois (6)

La monnaie arnaudine, sans concurrence d'aucune autre monnaie, est usitée pour le paiement des cens, des redevances. Par contre on se sert de préférence de la monnaie Tournois dans les transactions qui nécessitent des sommes plus importantes et engagent de plus grands intérêts.
 
Dans ce domaine monétaire, comme dans bien d'autres, l'habitant de Monflanquin ne paraît pas avoir à subir de grands changements. Qu'il aille sur le marché ou chez le notaire le paiement et les comptes se font selon les mêmes principes, déjà en pratique au temps des Capétiens.
 
Les chateaux edouardiens
 
 La baylie de Monflanquin, comme la plupart des baylies de l'Agenais dont prend possession Edouard I°, dispose de peu de châteaux qui soient de réels points d'appui militaire comme pouvait l'être Penne d'Agenais (7).
 
Certes, le site défensif de Gavaudun n'est pas à négliger pour autant. Mais sa valeur stratégique n'est pas comparable à celui de Penne. En plus de Gavaudun, sont inventoriés dans la baylie de Monflanquin les châteaux de Cancon, Calviac, Monségur, Paulhiac, Roquefère et même de Monflanquin ce qui n'est pas sans poser de problème(2).
 
A défaut de grandes forteresses militaires, Édouard I° a au moins l'avantage de trouver, ici comme dans tout l'Agenais, une situation féodale relativement nette. En effet, Alphonse de Poitiers dès 1259-1263 a fait exécuter des * Recogniciones Feodorum [1286 : Édouard I°  réactualise cet inventaire par de nouvelles Recogniciones Feodorum en Agenais. Les vassaux et assujettis,  ainsi répertoriés ne peuvent échapper de la sorte à leurs devoirs envers leurs suzerains.] grâce auxquels les vassaux et leurs devoirs sont connus et répertoriés.

wpeD8.jpg (6211 octets)De plus, Philippe III le Hardi a fait procéder en 1271 à un Saisimentum c'est à dire à un procès - verbal des droits du souverain sur ses vassaux et sur les communautés. Inventaires d'autant plus indispensables que c'est une coutume constante en Agenais de partager tout héritage entre la totalité des héritiers au point qu'il y a quantité de seigneurs pour le tiers, le sixième d'une même seigneurie. Gavaudun

Gavaudun

 Édouard I°, soucieux de développer son emprise sur ce territoire, estime indispensable l'existence d'un réseau de forteresses, châteaux ou bastides. C'est pourquoi Jean de Grailly reçoit liberté d'action pour renforcer ou édifier des châteaux, en plus des travaux de fortification des bastides imposés en 1282... le tout sans aides financières royales (7).
 
Ce qui répond aux difficultés financières liées aux habitudes prises par le Roi-Duc de puiser dans les revenus tirés de l'Aquitaine pour d'autres usages que la défense de son fief continental. De sorte que cette volonté politique de renforcer son domaine sur le plan militaire n'est que faiblement suivie d'effet dans la mesure où le Plantagenet n'y met pas les moyens nécessaires (7).
                       
Pourtant, cette politique se solde par quelques progrès puisqu'en Agenais existent bientôt six places fortes royales : Sauveterre, Tournon, Puymirol, Marmande, Castelgaillard et Penne tout près de Monflanquin. Mais ces progrès ne peuvent masquer le déséquilibre existant entre ces six places fortes royales et les cent trente points fortifiés entre les mains des vassaux.
 
Exemple type, la baylie de Monflanquin : il est possible que les châteaux existants (1) s'y soient plus ou moins renforcés pour correspondre aux impératifs militaires du moment, surtout Gavaudun, mais aucun château nouveau n'est construit semble-t-il pendant cette période et tous sont entre les mains des Seigneurs du pays.
 
Le Roi-Duc a donc été amené à porter ses efforts sur la bastide de Monflanquin jusque là ville ouverte et défendue uniquement par son site. La bastide se voit contrainte de se donner des remparts à ses propres frais....Mais dans cette ville fortifiée, seul le bayle est garant de la loyauté des habitants à l'égard du Roi; mince assurance, au moment où la fonction militaire trouve un épanouissement certain.
 
1282 : Remparts de Monflanquin
wpeD9.jpg (10447 octets) 
Monflanquin  remparts
La cession de l'Agenais au Roi d'Angleterre accroît considérablement le rôle de certaines baylies qui se trouvent désormais tournées face à la mouvance française. Aussi avant Décembre 1283 Grailly passe des accords avec une série de bastides ( 9a ) selon le même principe retenu pour Monflanquin (10).
Édouard I°, pour disposer d'appuis plus solides que ceux de ses prédécesseurs, fait entreprendre sans tarder des fortifications.
 
C'est à ce sujet que durant le printemps 1282 un grave désaccord s'élève entre les habitants de la ville de Monflanquin et ceux du Détroit. Les premiers affirment que les seconds doivent participer à la construction des remparts envisagés tandis que ces derniers refusent puisqu'ils ne bénéficient pas des coutumes et privilèges de la ville.
 
Il revient à Jean de Grailly, en tant que Sénéchal, de ménager un compromis à la St Jean 1282: les mille sept cents soixante  douze feux du Détroit donneront mille Livres Arnaudines mais seront quittes de la construction des remparts et acquerront les mêmes privilèges que les habitants de la ville (11).
 
Le même compromis fait que les murs sont l'œuvre des consuls avec les subsides tirés des habitants tandis que les onze tours et les quatre portes fortifiées sont à la charge d'Édouard I°.  C'est réduire au minimum la participation financière  du  Roi qui avait averti  Grailly  qu'il  ne recevrait   aucun subside d'Angleterre  pour  les  travaux des  fortifications imposés à l'Agenais.
 
Ces conditions financières, lourdes sur le plan local pour les populations, expliquent que pour fortifier la bastide  de Monflanquin les habitants s'engagent simplement, en fait de remparts, à fermer les murs c'est à dire le dos des maisons sur le tour de ville.
 
Il est intéressant de noter que les préoccupations militaires, occasionnant des besoins financiers nouveaux, obligent le pouvoir royal à étendre le champ d'application de la Charte de Monflanquin au-delà de ce qu'avait déjà fait Alphonse de Poitiers en 1269 par lettres patentes (2). Ces nouvelles dispositions ont l'avantage non seulement de débloquer la situation du moment mais aussi de renforcer les liens entre l'administration des Plantagenets et un nombre accru de Monflanquinois bénéficiaires de cet élargissement du champ d'application des coutumes.
 
Il n'est pas moins important de constater que Monflanquin, jusqu'ici ville ouverte où les fonctions administratives et économiques prédominaient, se voit transformer en ville fortifiée où la fonction militaire devient sinon prépondérante du moins largement prise en considération par le pouvoir central. Le passage d'Alphonse de Poitiers au duc-roi Édouard I° est concrètement signifié.
 
Le Château de Monflanquin
 
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Maison forte
Le règlement, par Jean de Grailly, du désaccord sur la question des remparts se fait entre les "habitants du château et de la paroisse de Monflanquin d'une part et ceux du détroit d'autre part" (12). C'est une formulation propre à relancer le problème de l'existence d'un château à  Monflanquin.
 
En effet, dès 1256, Alphonse de Poitiers utilise déjà la formulation "Littera hominibus castri  de Monfliquino"..... Le 12 Novembre 1271, le texte du Saisimentum à Penne retient encore la formule "Vocatis consulibus castri  Montis Flanquini et sus bajulis".
De quoi fonder l'hypothèse de l'existence d'un château avant même la création de la bastide..... La cession de la "montagne" de Monflanquin (1) par Guillaume Amanieu selon le texte de 1252  n'est pas en contradiction avec une telle hypothèse, s'il s'agit d'une simple maison forte dans le style des petits châteaux du XIII° siècle dans le Sud Ouest. De plus l'existence dans le carrerot des Cabanes d'un silo "dit de l'oie" ( 13), pourrait correspondre à une occupation des sols de la bastide avant sa création et conforter donc l'hypothèse avancée.
           
Autre texte, plus tardif : une *copie [ Cette copie du Saisimentum, vidimé le 15 Mars 1664 présente une série d'erreurs sur les paroisses concernées à l'origine. Erreurs qui ont l'avantage de situer la vision qu'ont les Monflanquinois au XVII° siècle de leur propre histoire.] en 1664 du   " Saisimentum de 1271... "Le présent extrait a été retiré et vidimé du folio B du château de Monflanquin et sa banlieue, actuellement en mes mains par mon notaire et secrétaire de l'hôtel de ville... signé Cayroze" (14). La formule du XVII° siècle "le château de Monflanquin et sa banlieue" ne fait que reprendre et traduire approximativement le texte initial du XIII° siècle "le château de Monflanquin et sa baylie"; sans pour autant authentifier la réalité d'un château au XVII° siècle à Monflanquin et par voie de conséquence sa pérennité depuis le XIII° siècle.
           
Mais, alors, pourquoi aucun hommage n'est il prêté au nom de ce château ? L'objection tombe si l'on fait référence aux hommages de 1256-1263 puis de 1286 car à partir de 1252 la montagne de Monflanquin dépend directement du suzerain.
             
L'hypothèse se confirmerait ainsi de l'existence d'un petit château qui se serait glissé dès l'origine, sans ostentation ni statut particulier dans le tissu urbain de la bastide. (15)
                                   
Le **quartier compris [Les murs XIII° siècle et l'escalier de belle facture qu'on y trouve sont les vestiges d'un bâtiment, apparemment du XV° / XVI°, de grande qualité.] entre le carrerot des Augustins et la rue St Nicolas d'une part, la rue des Arcades et la rue de l'Union d'autre part, mérite à cet égard un intérêt soutenu et... discutable.
           
Au total, l'hypothèse d'un château avant la bastide de Monflanquin ne manque pas d'arguments à faire valoir de façon vraisemblable. Mais ce n'est qu'une hypothèse tant qu'il n'y a pas de textes plus explicites et que des recherches archéologiques sérieuses ne viennent en confirmation.
           
Pour le moment, cette hypothèse du château  de Monflanquin avant la bastide ne reste qu'une hypothèse fortement discutable.
 
Jean de Grailly le Sénéchal
 
Cette politique de renforcement du potentiel militaire du Duché, par châteaux et remparts associés, est fortement liée au nom de *Jean de Grailly [Jean I° le Sénéchal" pour le distinguer du célèbre Jean III° de Grailly "Captal de Buch" compagnon d'arme du Prince Noir au XIV° siècle.]. Personnage sur qui repose le succès de l'implantation des Plantagenets en Gascogne et plus particulièrement en Agenais.
 
C'est un nouveau venu, un Savoyard vraisemblablement introduit à la cour d'Angleterre par Pierre de Savoie oncle de la Reine... La faveur de **Jean de Grailly [Au XIII° siècle le nom ne s'orthographie pas Grailly, mais Gralli, Greilhi, Grelhi, etc....   C'est à dire de façon très proche de Grilly, orthographe actuelle de son village d'origine en Savoie.] n'a cessé de croître depuis qu'une première donation du Prince Édouard en 1262 lui a permis de s'installer en Aquitaine. Un an plus tard il apparaît avec le titre de conseiller du Prince Édouard.
 
Sénéchal de Gascogne, de 1266 à 1268, il part pour les croisades avec le Prince Édouard. A son retour il redeviendra Sénéchal de 1278 à 1287, date à laquelle il sera condamné pour abus d'autorité. Résidant, comme tous les Sénéchaux de Gascogne, au château de l'Ombrière à Bordeaux Jean de Grailly possède de nombreuses terres en Aquitaine dont la seigneurie de Benauges, où coiffant la colline pointue de l'Entre Deux Mers, le château de Benauges devient sa demeure préférée (16).
           
Après avoir tendu sur la Gascogne un réseau de bastides destinées , à l'instar de Monflanquin, autant à défendre qu'à administrer le Duché d'Aquitaine, Jean de Grailly repart pour la Terre Sainte en 1287. Sénéchal de Jérusalem auprès d' Henri de Lusignan, Roi de Chypre et de Jérusalem, il prend le commandement des troupes que le Roi Philippe le Bel avait laissé à St Jean d'Acre. Partageant l'angoisse des Chevaliers du Temple quant à l'avenir des établissements chrétiens en Palestine il se rend dès qu'il le peut à Rome où, habile diplomate, il obtient du Pape Nicolas IV d'envoyer vingt galères armées et équipées à Chypre.
           
Au moment où Jean de Grailly quitte définitivement la Palestine en 1293, Bordeaux et l'Aquitaine, dont Monflanquin, sont en passe de tomber entre les mains du Roi de France.
           
En 1303, Jean de Grailly meurt alors que Philippe le Bel restitue l'Aquitaine et Bordeaux .
 
1284 : Charte confirmée
 
 Le Roi-Duc ne se contente pas d'édifier châteaux et remparts, il fait également en sorte de se rallier les populations de son Duché.
 
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Charte
Édouard I° s'emploie en effet à répondre aux attentes qu'il découvre sur le terrain et accorde, un peu partout en Guyenne, des chartes de liberté ou des coutumes. Tout se passe comme s'il voulait établir ses rapports avec ses sujets sur une base de confiance. C'est dans ce mouvement général que diverses bastides reçoivent leurs coutumes ou le renouvellement de leurs coutumes (3).
           
Porté par cette vague de libéralité, Édouard I° confirme en 1284 les coutumes des habitants de Monflanquin comportant l'octroi de consuls annuels selon les modalités définies naguère par Alphonse de Poitiers (1).
 
Le 20 Avril 1289, depuis Condom (9b), Édouard précisera que les six consuls de Monflanquin seront choisis dorénavant par le bayle royal parmi les douze prud'hommes présentés par les habitants bien que la charte initiale prévoyait ce choix directement parmi la population. En effet l'Article 13 de la charte de 1256 prescrivait que le bayle avait à "élire et installer six consuls catholiques choisis parmi les habitants de ladite ville, que nous jugerons et estimerons les plus utiles aux intérêts de la communauté et aux nôtres".
           
Les nouvelles dispositions prises par le Roi-Duc représentent l'amorce d'un système à deux niveaux par délégation alors que le précédent mettait le bayle directement en prise avec l'assemblée du peuple. Il y a dans cette nouvelle pratique à la fois distanciation du pouvoir avec la population  et prise en considération au moins symbolique des notables.
           
C'est dans cette perspective que s'inscrit le passage de vingt quatre à douze prud'hommes. Le choix devient plus sélectif.
           
L'essentiel, aux yeux des Monflanquinois, est cependant la reconnaissance de leurs droits initiaux et le maintien des mécanismes administratifs et judiciaires par le Roi-Duc : les Princes se succèdent mais le système demeure !
 
1286 : Édouard I° à Monflanquin
 
L'avènement, en 1285, de Philippe le Bel à qui le Roi-Duc doit prêter hommage pour l'Aquitaine rend indispensable un voyage en France. Édouard I° ne néglige rien pour faire de ce déplacement l'occasion d'un règlement au contentieux entre les deux monarchies (3).
 
Prévu, dès 1281, le vieux projet de voyage du Roi-Duc en Gascogne connaît donc un regain d'actualité en 1285.
           
En effet, ce voyage avait été repoussé (11) d'année en année par suite de la guerre de Galles et de la réorganisation qui s'ensuit. Au printemps 1285 Édouard annonce au Parlement tenu à Westminster qu'il lui faut passer en Gascogne "pour y corriger des abus".
           
La traversée se fait le 13 Mai 1286 et à la fin du même mois Édouard entre à Paris. Il s'établit à l'Abbaye de St Germain des Prés d'où les bateaux l'amènent presque quotidiennement au Louvre.
wpeDA.jpg (12511 octets)Fin Juillet, il quitte Paris pour gagner par petites étapes ses possessions gasconnes. L'état de santé de l'entourage du Roi est déplorable : à chaque étape ou presque la cour laisse derrière elle deux ou trois malades. L'escorte galloise d'Édouard est particulièrement décimée. Ces circonstances ralentissent la marche de la cour.
Monflanquin accueille Édouard           
 
Passant par Auxerre, Giens, Orléans, Parthenais et Saintes, Édouard gagne l'île d'Oléron qu'il parcourt de fin Septembre à début Octobre 1286. De là Édouard et sa cour se rendent à Agen en passant par Monflanquin.
           
Or, le 6 Novembre, il est à peine arrivé à Monpazier qu'il se trouve déjà à Agen le 15 Novembre. Par le fait même de ces dates, le temps de passage du Roi-Duc à Monflanquin ne peut qu'être bref.
           
Quoiqu'il en soit, ce *passage [Édouard I° n'est pas passé à Monflanquin en 1283, comme l'affirme Bouissy au XIX° siècle, mais bien en Novembre 1286....(11)]  est confirmé par des lettres patentes signées à Monflanquin le 12 Novembre 1286 par Édouard I°. Lettres patentes par lesquelles le Roi-Duc fait reconnaître qu'il  "a chargé Raymond de Campagne  Sénéchal d'Agenais, Bernard de St Loup maire, Bernard Martin bourgeois d'Agen et juge d'Agenais, de recevoir en son nom - de la part des  prélats, barons, chevaliers, damoiseaux et les communautés d'Agenais - les reconnaissances de fiefs et tenures que ses sujets tiennent de lui en Agenais et d'en faire dresser des actes notariés." C'est l'Acte connu dans l'histoire sous le nom de Recognicio Feodorum de 1286.
                                  
Les Actes Gascons qui couvrent ce voyage de 1286 à 1289 ne laissent aucune preuve d'un nouveau passage à Monflanquin du Roi Édouard I°. Installé pour un temps à Bordeaux, il rayonnera à partir du printemps 1288 vers Blanquefort, Oloron, Bonnegarde, Condom, Condat. Il regagne enfin son royaume le 12 Août 1289 après trois ans et trois mois d'absence.
 
La bastide à cette époque 
 
Édouard I°, en Novembre 1286, arrive à Monflanquin, en provenance de Monpazier. La logique voudrait qu'il fasse son entrée par la porte St André au Nord-Est puis la rue des Arcades; mais il est vraisemblable que pour des raisons de protocole il a contourné la bastide pour remonter la rue Ste Marie d'une manière plus fastueuse.
 
             En effet l'entrée d'un Prince dans une ville est toujours l'occasion d'un cérémonial important, mais il est évident que dans une petite ville - où *l'évènement [Les habitants de Monflanquin ne peuvent savoir qu'à cette occasion ils vivent un évènement unique dans l'histoire de leur ville. Plus aucun roi en fonction ne s'arrêtera là.] est des plus rares - les consuls et les habitants n'ont pu qu'être attentifs à décorer les rues, les maisons, à joncher de fleurs le parcours prévu.         
 wpeE2.jpg (11074 octets)Quand le Roi franchit la porte de la bastide il dans l'ordre du probable que les remparts sont toujours en construction. Le sentiment de la paix durable et le désir de ne pas trop débourser retardent certainement les travaux en cours. Comme à Monpazier où justement Édouard a du faire un sérieux rappel à l'ordre pour accélérer les travaux.
 
Maisons torchis 
 
La réalisation de l'église, tout en haut de la bastide, est bien avancée. Mais pas au point d'être totalement terminée. Les deux chapelles de la face Sud, dont il reste de nos jours des vestiges, présentent semble-t-il un style postérieur à celui du porche XIII° siècle et autorisent à penser qu'il y a eu échelonnement de la construction dans le temps; la réalisation de la ville et de l'église allant de pair.
 
C'est donc une ville en voie de réaliser le projet fondateur que le Roi traverse. Avançant dans des rues boueuses en ce mois de Novembre 1286  il peut observer que les bâtisseurs ont su exploiter les carrières calcaires alentour pour quelques belles maisons dans le style du moment (17). Tandis que les ** maisons [Maisons disparues. Les maisons à colombage actuelles sont du XV° siècle (18). Voir  en annexe les raisons qui ont milité dés 1992  pour une large étude dendrochronologique de ces maisons.] à colombage sont, elles, redevables de la richesse en chêne du boisement environnant. Sans oublier l'apport des argiles qui fournissent les tuiliers en matière première. En quelque sorte une ville qui s'offre comme l'expression directe de l'environnement Monflanquinois.
 
Arrivé sur la place Édouard I° peut découvrir la halle en bois, symbole du commerce local et de l'administration de la jurade. Car si la halle est vraisemblablement terminée, c'est avec le temps que les arcades seront menées à bien.
 
Pour le moment, cette bastide qu'il découvre a déjà six cents vingt habitants comme l'atteste un relevé de 1289; preuve de sa réussite. Mais quelques jardins, préservés çà et là, allègent l'impression de densité urbaine que pourrait ressentir le royal visiteur.
           
Au total, c'est l'image d'une ville champignon, en pleine extension, qui a du s'imposer à Édouard I° lors de son passage à Monflanquin.  
 
La Première génération : les fondateurs
 
 Dans la foule - qui accueille le Roi-Duc - il y a encore des *membres fondateurs de la bastide [Il est essentiel d'avoir en mémoire la brièveté de l'espérance de vie qui voisine trente ans environ. Les personnes de plus de trente cinq ans sont déjà vieilles..... Aucun Roi capétien direct par exemple n'atteint ses soixante ans.], quelque trente ans plus tôt, ou bien des témoins alors très jeune.
 
L'attraction qu'a pu exercer la charte des coutumes de Monflanquin sur le monde rural environnant est certaine. Si l'on prend en compte les mille sept cents soixante douze feux annoncés pour le détroit de Monflanquin, lors de la discussion sur les remparts en 1282, on obtient à raison de quatre personnes par feux un total de sept mille sept cents personnes. Auxquelles il faut ajouter les six cents vingt citadins, recensés quelques années plus tard en 1289, pour la seule bastide. Ainsi on peut évaluer la population totale de la baylie à environ huit mille cinq cents habitants en cette fin de XIII° siècle. Ce qui n'est pas négligeable dans un Haut Agenais dont la densité est relativement faible malgré l'essor démographique du XIII° siècle.

Le type de personnes qui s'installent en ces tous débuts de la bastide est celui d'un rural dynamique ayant capitalisé suffisamment pour ne plus avoir à être directement sur l'exploitation à travailler la terre, source de ses revenus... et pour être en mesure de financer la construction d'une maison dans la bastide sans délai.

wpeE4.jpg (4510 octets)Il est certain que la XIII° siècle est l'époque où émerge une attitude mentale nouvelle face au fatalisme à long terme ( 19 ). Mais, dans le cas présent, la sélection opérée offre les plus performants, les plus aptes à une aventure sociale. Il leur faut en effet envisager de trouver et de s'engager wpeE7.jpg (3451 octets)dans un métier rémunérateur; le plus souvent dans le prolongement d'un rôle qu'ils s'étaient déjà donnés à la campagne : celui de boucher, boulanger étant les plus fréquents. Il n'est pas exclu que certains parmi eux soient assez fortunés pour être des rentiers et, comme il se doit, des prêteurs à gages...
             
Quoiqu'il en soit, il y a une évolution sensible pour tous : la vie dans la bastide appelle à des adaptations. Mais  pour l'instant l'imprégnation rurale se fait encore profondément sentir. Vivant au milieu des terrassiers, des maçons, des charpentiers qui participent à l'édification de la bastide, ils restent dans la lignée de leurs parents qui ont eu à défoncer des terres jusque là incultes. Ils restent en quelques sorte des pionniers.
           
C'est donc une foule de ruraux, citadins de fraîche date, qui accueille le Roi-Duc dans une ville où toutes les traces de chantier ne sont pas effacées.                                                                                                                             
1289.1291 : les réformes
 
Ces déplacements du Roi-Duc en Gascogne se poursuivent jusqu'en 1289 où il n'est que temps pour lui de regagner l'Angleterre après trois ans d'absence. Mais Édouard I° veut néanmoins, avant d'entreprendre son voyage de retour, tenter de remédier aux difficultés et abus   nés sous l'autorité de Jean de Grailly ( 3).
 
Charte1256.jpg (9927 octets)C'est dans cette intention que le Roi-Duc réunit, à Condom, le Conseil Royal sous la direction des évêques de Winchester et de Bath. 
Il s'y rend lui-même, quelques jours après son ouverture, pour signer l'Ordonnance de Condom d' Avril-Mai 1289 sur l'organisation administrative et judiciaire du Duché d'Aquitaine. Le but de ces textes n'étant pas de bouleverser le système en vigueur, mais plutôt de le préciser et perfectionner. En la circonstance, Monflanquin n'est pas oubliée : Édouard I° y stipule que les six Consuls de la ville seront choisis par le Bayle Royal parmi douze prud'hommes présentés par les habitants, bien que leur charte en eut décidé autrement ( 2 ).
           
En Agenais, les difficultés à régler viennent surtout de l'existence des bastides où se réfugient les hommes des fiefs voisins, cependant que les Consuls s'efforcent, souvent avec l'appui des bayles, d'empiéter sur les juridictions voisines. Situation déjà vraie sous les Capétiens et qui ne fait que se prolonger (2 ).
           
Édouard, conscient de la responsabilité des bayles dans le dysfonctionnement du système et exaspéré par leur indiscipline, prend en 1291 une décision les concernant : la mise aux enchères des baylies cesse d'être systématique et les bons bayles seront reconduits même si quelqu' autre candidat offre plus qu'eux..... Il est à noter que les textes connus ne laissent pas apparaître que Bernard de Calviac, bayle de Monflanquin antérieurement au 24 Mai 1291, ait été reconduit dans ses fonctions ( 20a ).....
           
Même s'il y eut amélioration à Monflanquin, or la non reconduction de Bernard de Calviac à son poste ne le laisse nullement supposer, elle fut de courte durée.
           
En effet ,bientôt, la main mise de Philippe le Bel sur l'Agenais va réduire aussitôt ces tentatives de réforme. Puis quand le Duché reviendra sous l'autorité des Plantagenets il s'agira moins de sélectionner les bayles selon leurs mérites qu'en fonction des besoins du  pouvoir central. Aussi, par d'innombrables concessions personnelles, les Plantagenets pour-voient au remboursement de leurs dettes de guerre, à la récompense de nombreux services rendus et à l'indemnisation des pertes éprouvées par les uns ou les autres. C'est dans un tel contexte que Raymond de la Motte ( 20b ) sera en charge de la baylie de Monflanquin antérieurement au 3 Avril 1305.
 
Le temps de la plénitude 
wpeED.jpg (8129 octets)Les Ordonnances, de 1289-1291, illustrent parfaitement la période de plénitude que traversent Monflanquin et sa baylie. Ces Ordonnances prolongent celles d'Alphonse de Poitiers rédigées quelques rente ans plus tôt. Avec un même souci d'améliorer administration et justice au profit de la population... sans oublier pour autant les intérêts du pouvoir princier.
 Marché
 
Population qui depuis l'apparition de la bastide, en 1252-1256, bénéficie d'un long état de paix amorcé dés 1229 grâce à la volonté et aux décisions de Louis IX : dans les champs aucune maison détruite, aucune culture ravagée par des armées en déplacement ou des seigneurs plongés dans un conflit personnel. Ce n'est peut être pas l'âge d'or que certains historiens ont voulu voir en cette seconde partie du XIII° siècle, car le niveau de vie reste bas pour la plupart des personnes, mais il existe une situation pacifique qui éloigne de chacun la peur. Cette peur presque endémique de la guerre, de la famine, des épidémies.
 
La bastide de Monflanquin, véritable ville champignon, remplit les espoirs mis en elle.... Son église gothique qui domine le site donne par sa taille un aperçu de ces espoirs initiaux en même temps que de la toute puissance de l'église catholique, jalouse gardienne de la paix religieuse et doctrinale.... Ses maisons et jardins, l'activité de sa halle, tout prouve que la vie économique est active.
 
Le chiffre de la population, relevé dans la bastide et la baylie, confirme l'évolution positive, le dynamisme ambiant. Le contexte est favorable, le résultat est probant : les Monflanquinois en sont les heureux bénéficiaires.
 
Pourtant déjà se pose la question de l'équilibre entre les terrains disponibles et la densité humaine, entre la production et la démographie. L'équilibre en place montre ses limites, les mécanismes de la plénitude créent des conditions de tensions. Mais pour l'instant domine le sentiment de paix et d'avenir assuré. On peut parler du temps de la plénitude (21)
             
 
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Partie 2 : 1294-1303, les Capétiens : Philippe le bel